A défaut de pouvoir vous retrouver au Palais Brongniart, chaque galerie du Salon du Dessin vous dévoile l'un de ses dessins coups de cœur. Reginart Collections propose en ligne ce crayon et encre de Chine sur papier transparent de Tom Wesselmann (1931-2004). Daté de 2003, il représente un nu dans un intérieur orné, étrangement, d’une œuvre de Picasso.
Pour Danielle G. Cazeau, la directrice de Reginart Collections à Genève (contact@reginart-collections.com), il s’agit d’une œuvre importante de l’artiste américain, estimée autour de 35 000 euros. Après s’être formé à l’Académie des Beaux-Arts de sa ville natale puis à la Cooper Union de New York, Tom Wesselmann s’enthousiasme pour les artistes de l’époque comme Robert Motherwell et Willem de Kooning. Voulant se démarquer d’eux, il s’attaque à des sujets figuratifs tels que la nature morte, le nu ou le portrait. Ses séries intitulées Great American Nudes ou Still Lifes participent à sa célébrité naissante. En 1983, il transpose ces peintures en sculptures, en découpant les lignes souples et sensuelles de son dessin dans l’acier, ce qu’il nomme les Steel Drawings.
Érotisme et futurisme
Ce dessin, réalisé vingt ans plus tard, reprend la formule des Great American Nudes. Une femme nue est allongée dans un intérieur, ouvert vers l’extérieur par une fenêtre. De là, on entraperçoit la nature avec la mer, un rocher rouge, un arbre qui pourrait cacher un palmier. On sent qu’il fait beau, qu’il fait chaud. La vie est belle. Le corps de la femme est en partie couleur chair, en partie bleu sombre, comme les ombres voulues par les artistes impressionnistes. Ce doublement de la silhouette est intéressant puisqu’il amincit la forme, souligne les seins et le visage, et donne un dynamisme à la manière des peintres futuristes italiens. La femme nue semble faire une roulade sur un lit, relevant les jambes, renversant sa tête aux cheveux blonds. Une fleur rouge, piquée sur ceux-ci, répond à des sortes de tulipes rouges placées près de la fenêtre.
Tom Wesselmann, Study for sunset nude with Picasso, 2003, crayon, encre de Chine sur papier transparent, 8.5 x 8.5 cm ©Reginart Collections
Picasso, figure tutélaire
Enfin, en haut à gauche, un tableau représente un autre nu mais peint dans un style plus hardi, plus contemporain. On l’apparente aussitôt à une toile de Picasso. Détail amusant, ce nu reprend les mêmes éléments que le dessin de Wesselmann : une femme dont le corps est souligné d’une ligne épaisse et noire, une plante verte et un fond reprenant les jaune, vert, bleu et rouge qui se trouvent dans la composition de Wesselmann. Comme si Wesselmann voulait souligner les points communs et les différences entre un Picasso et une de ses œuvres.
Il y a bien sûr une mise en abyme avec ce tableau dans le tableau, avec le même sujet traité deux fois. « L’érotisme est constamment présent dans la série des Grands Nus américains, rappelle Danielle G. Cazeau. Ils sont formés de formes planes et simplifiées. Wesselmann souligne fortement la bouche, les seins, les hanches et les cuisses à la façon d’images publicitaires ». Après avoir fait des clins d’œil à Cézanne, Matisse, Mondrian, Motherwell ou Liechtenstein, il s’attaque ici à la figure tutélaire qu’est Picasso. Et se compare à lui. Il affiche son dessin classique et compare son nu élégant au monstre créé par Picasso l’anthropophage.
Guy Boyer
Directeur de la rédaction de Connaissance des Arts
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