DIDIER AARON
France | Stand 05
Le Salon du Dessin, grand rendez-vous des amateurs d'arts graphiques, ne pourra avoir lieu cette année. Mais, en attendant l'édition 2021, le marché du dessin poursuit son cours malgré la crise. Découvrez dès à présent sur le site de la galerie Didier Aaron à New York un dessin à la plume, encre et lavis sur papier de Louis-Léopold Boilly, intitulé Oberkampf et sa famille à Jouy et estimé à 60 000 euros.
Oberkampf. Hormis la rue Oberkampf à Paris, ce nom doit vous rappeler quelque chose : l’histoire de la toile de Jouy et la manufacture de la vallée de Chevreuse, au sud de Paris. L’industriel Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815), installé à Paris en 1758, à l’âge de 20 ans, a en effet fondé à Jouy une manufacture d’impression sur toile qui devient, juste avant la Révolution, manufacture royale. L’homme a le profil de ces entrepreneurs cultivés du Siècle des Lumières, côtoyant des savants comme Berthollet et Gay-Lussac, faisant travailler des artistes comme Jean-Baptiste Huet. Il est le descendant d’une lignée de teinturiers allemands établis à Aarau, en Suisse, produisant des toiles imprimées appelées indiennes (car importées à l’origine des comptoirs des Indes).
La toile de Jouy : une success story
Après avoir travaillé comme graveur dans une manufacture de Mulhouse, Oberkampf monte à Paris et devient coloriste chez un fabricant du quartier de l’Arsenal. En 1759, sa vie va changer avec une modification législative : la fabrication des indiennes, interdite en France depuis 1686 pour protéger les soieries lyonnaises, est autorisée. Aussitôt, Oberkampf propose à Antoine Guernes, de s’associer avec lui pour créer une manufacture à Jouy.
Succès immédiat et rapide puisque quatre ans après l’ouverture de la manufacture, celle-ci doit s’agrandir pour accueillir les quelque 90 ouvriers qui la font tourner. Après dix ans de résidence en France, Oberkampf et son frère sont naturalisés français. L’entreprise entre peu à peu dans l’ère de la mécanisation en passant des planches de bois, nécessaires à l’impression, à des plaques de cuivre montées sur des tambours cylindriques. La cadence augmente, les profits également. La manufacture tourne à plein régime pendant la Révolution et devient même l’une des premières entreprises françaises après les mines d’Anzin et l’usine de glaces de Saint-Gobain. Tout va pour le mieux et la manufacture atteint son zénith en 1806 quand Oberkampf obtient la médaille d’or de première classe à l’exposition des produits de l’industrie au Louvre et quand Napoléon lui décerne la légion d’honneur.
Hommage à l’enfant disparu
C’est d’ailleurs dans ces premières années du XIXe siècle que Louis-Léopold Boilly réalise le portrait de l’industriel d’Oberkampf et de sa famille. Avant d’en arriver à l’œuvre finale, il fallut en 1803 plusieurs dessins préparatoires, études de détails ou d’ensemble.
Sur l’étude d’ensemble proposée par la galerie Aaron, on retrouve à gauche Oberkampf et son fils aîné Alphonse, à qui il montre une de ses toiles de Jouy présentée au sol par un jeune ouvrier. On ne voit pas le visage d’Alphonse car, au moment où Boilly dessine ce portrait de groupe, le jeune homme est déjà mort, depuis quelques mois, mais Oberkampf a voulu qu’il figure dans la composition. « Pour l’associer à cette célébration de l’harmonie et de la réussite familiales », précise la galerie Aaron. Complètement à droite, l’autre garçon est Emile Oberkampf, qui reprendra la manufacture à la mort de son père en 1815. À côté de lui, assise et en train de dessiner, on voit Marie-Julie, la fille aînée d’Oberkampf, qui deviendra l’une des figures importantes du protestantisme français et d’un mouvement pour la promotion de l’école maternelle. Derrière elle, Madame Oberkampf et ses filles Laure et Emilie-Laure.
Une toile de Jouy signée Boilly ?
Boilly a dessiné ce portrait familial à la plume et aux lavis d’encre posés au pinceau. Avec précision et application. Comme dans tous les portraits de ses contemporains (voir les tableautins du palais des Beaux-Arts de Lille) ou ces scènes de rue parisiennes qui ont été récemment exposées à Londres (à la National Gallery de mars à mai 2019). Ce dessin d’Oberkampf et sa famille confirme également les liens importants qui unissaient l’artiste à l’industriel puisque Boilly a réalisé le motif d’une toile de Jouy, L’arrivée d’une diligence, reprise d’un de ses tableaux. Ce dessin de Boilly, provenant de la collection Jules Boilly mise en vente en 1868, est passé par la famille Mallet jusqu’en 1979 et, par descendance jusqu’à la famille de Maupeou. Un pedigree sans tâche.
Ce dessin à la plume, encre et lavis sur papier de Louis-Léopold Boilly est estimé 60 000€ et proposé à la vente par la galerie Didier Aaron
Un article de Guy Boyer
Directeur de la rédaction de Connaissance des Arts