AB GALERIE
France | Stand 16
Le Salon du dessin, grand rendez-vous des amateurs d’arts graphiques, ne pourra avoir lieu cette année. Mais, en attendant l’édition 2021, le marché du dessin poursuit son cours malgré la crise. La Galerie AB Galerie propose en ce moment un dessin d’Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) représentant La Goulue, vue de dos. Ce dessin, mis en ligne sur le site de la galerie, est estimé à 65 000 euros.
La dernière rétrospective Toulouse-Lautrec, qui s’est tenue au Grand Palais du 9 octobre 2019 au 27 janvier 2020, était intitulée « Toulouse-Lautrec résolument moderne ». Elle voulait insister sur le caractère novateur du travail du peintre et dessinateur originaire d’Albi : « Si l’artiste a merveilleusement représenté l’électricité de la nuit parisienne et ses plaisirs, il ambitionne de traduire la réalité de la société contemporaine dans tous ses aspects, jusqu’aux moins convenables ».
Parmi les quelque 225 œuvres exposées, place était faite aux scènes de bordels, aux femmes dénudées et aux scènes de spectacle.
Aux côtés des prostituées du Salon de la rue des Moulins et des modèles peu avares de leurs avantages, figuraient les portraits de la danseuse de french cancan Jane Avril (surnommée Jane la folle ou la Mélinite, du nom d’un explosif), la chanteuse Yvette Guilbert (qui se produisait à l’Eden-Concert et au Moulin-Rouge) et Louise Weber. Celle-ci est connue sous le nom de La Goulue, un pseudonyme qui viendrait soit de sa propension à vider tous les verres qui se trouvaient sur son passage, soit au nom de son ami, Goulu Chilapane, qui a découvert son talent.
La Goulue, la blanchisseuse devenue une star du Moulin rouge
En fait, c’est son père qui la pousse, dès l’âge de six ans, à se produire sur la table des invités des noces et banquets. Là, elle danse le chahut, une danse inspirée de la cachucha andalouse, qui devient le chahut-cancan à cause de la ressemblance de certains pas à la démarche du canard, puis le scandaleux french cancan car les danseuses relèvent leurs jupes à mi-mollet et, à partir des années 1890, font « le coup de pied à la Lune » ou « le grand écart debout ».
En 1882, la petite Louise Weber, qui est blanchisseuse de son état, se fait remarquer comme danseuse au Moulin de la Galette. Elle débute au cirque Fernando, puis à l’Elysée-Montmartre, au Bal Bullier et à la Closerie des Lilas, à L’Alcazar. Avec Valentin le Désossé, elle se produit ensuite au Moulin Rouge.
Octave Mirbeau en fait une description peu amène : « La Goulue, il faut lui rendre cette justice, est une assez belle grosse fille, épaisse, colorée qui exerce son sacerdoce avec une tranquillité remarquable. Elle plane imperturbable au-dessus de la foule maladive de ses fanatiques ».
Croquée par Toulouse-Lautrec
Toulouse-Lautrec la peint alors arrivant au Moulin-Rouge en grande tenue, accompagnée de la Môme Fromage ou en compagnie du photographe Paul Sescau.
Décidée à se mettre à son compte dans les fêtes foraines, elle passe commande à Lautrec en 1895 de deux grands panneaux peints pour orner sa baraque de danseuse orientale.
Sur ceux-ci, conservés aujourd’hui au musée d’Orsay, on reconnaît Valentin le Désossé, Jane Avril, l’écrivain britannique Oscar Wilde et le critique Félix Fénéon, souvenirs de sa gloire déjà passée.
Une étude préparatoire
Le dessin de la galerie AB, daté de 1892, frappé du cachet rouge reprenant les trois initiales de l’artiste en bas à gauche, et passé dans la collection du neveu de Toulouse-Lautrec, Gabriel Tapié de Celeyran, a servi à la préparation de la célèbre lithographie de La Goulue, utilisée pour la couverture du recueil de musique du compositeur montpelliérain Auguste Georges Bosc, « La Goulue, valse pour piano », édité en 1894.
Celui-ci connaissait bien les deux artistes, La Goulue et Toulouse-Lautrec, puisqu’il a dirigé successivement l’orchestre de l’Elysée-Montmartre et celui du Moulin de la Galette.
Contrairement au dessin initial, où La Goulue figure seule, de dos et en buste, dans la lithographie elle est représentée quasiment en pied, déhanchée et elle est accompagnée de Valentin le Désossé, coiffé d’un haut-de-forme qui verse vers l’avant. Ces deux silhouettes nerveuses sont d’une incroyable modernité. Ils forment un couple soigneusement enlacé, observé de près par un public étonné.
Agnès Aittouarès, la directrice de la galerie AB, rappelle d’ailleurs les mots de Jules Lemaître écrits dans « L’Écho de Paris » : « L’harmonie de leurs mouvements est si parfaite que, si vous espérez jamais voir une grâce plus précise unie à une force plus souple, inutile de chercher, vous ne trouverez pas ».
Cette mine sur plomb de Toulouse-Lautrec représentant La Goulue est estimée 65 000€ et proposée à la vente par la galerie AB.
Contact : galerieab@gmail.com
Un article de Guy Boyer
Directeur de la rédaction de Connaissance des Arts