GALERIE TALABARDON ET GAUTIER
France | Stand 20
Le Salon du dessin, grand rendez-vous des amateurs d’arts graphiques, ne pourra avoir lieu cette année. Mais, en attendant l’édition 2021, le marché du dessin poursuit son cours malgré la crise. La galerie Talabardon et Gautier à Paris expose un long pastel sur papier marouflé sur carton de Maurice Denis, intitulé L’Intruse. Ce dessin est proposé à 130 000 euros.
Certains marchands de dessins sont tellement passionnés par les œuvres qu’ils présentent qu’ils sont intarissables. C’est le cas de la galerie Talabardon et Gautier, qui propose en ce moment un pastel de Maurice Denis, l’un des fondateurs du mouvement nabi.
Lors de ses études à l’Académie Julian, Maurice Denis rencontre Pierre Bonnard, Henri-Gabriel Ibels, Paul Ranson et Paul Sérusier. Depuis plusieurs années, il est ami avec Edouard Vuillard et Ker-Xavier Roussel. C’est donc en 1888 que tous se regroupent pour défendre un art synthétique, proche de l’esprit symboliste, à la limite du religieux.
« Denis est particulièrement inspiré par la littérature, la musique et le théâtre de son temps auquel se mêlent son mysticisme et la vénération de son cercle familial,souligne la galerie. Il expose aux Artistes français en 1890, année où il publie sa défense du Néo-traditionnisme. Plusieurs phrases de ce texte important sont restées célèbres et symboles des origines du mouvement moderne. Présent régulièrement chez Le Parc de Boutteville, il est invité aux XX à Bruxelles, puis à La Libre Esthétique et à la Sécession viennoise. Proche des milieux littéraires et musicaux, Denis réalise des décors de théâtre et d’opéra tout en poursuivant une œuvre de chevalet considérable ».
D’après Maurice Maeterlinck
C’est effectivement en lien avec ces années 1890, proches du théâtre et de la musique pour Denis, que se situe le dessin de la galerie Talabardon et Gautier, aidée dans ses recherches par Jean-David Jumeau-Lafond, le spécialiste du peintre symboliste Carlos Schwabe.
« Ce grand pastel, poursuivent les galeristes, reprend l’une des figures du dessin réalisé par Maurice Denis d’après L’Intruse, la pièce de Maurice Maeterlinck publiée en 1890 et jouée le 21 mai de l’année suivante au Théâtre d’art fondé par Paul Fort comme lieu de défense d’un théâtre idéaliste. La mise en scène de cette soirée donnée au profit de Paul Verlaine est due à Lugné-Poe qui interprète lui-même le rôle de l’aïeul. Si le dessin conservé au Van Gogh Museum d’Amsterdam, n’a pas servi d’illustration au programme de la soirée, il figure dans le numéro du 1er septembre 1891 de La Plume consacré à la jeune peinture et accompagne le texte d’Adolphe Retté sur le Néo-traditionnisme de Denis ».
En effet, si l’on regarde ce supplément illustré, près de dessins de Maximilien Luce, Camille Pissarro et Georges Seurat figure la reproduction de ce dessin. On y reconnaît les silhouettes des trois sœurs, héroïnes de la pièce, avec le père et l’oncle à droite et l’aïeul aveugle assis au fond.
« L’écriture statique de Maeterlinck, qui suggère l’angoisse et le sentiment d’inquiétude, trouve dans le hiératisme synthétique de l’artiste une transcription idéale, la même intensité symbolique habite le texte et l’image », concluent les marchands.
Pour leur dessin tout en hauteur, il n’y a pas tous les protagonistes de l’histoire. Seule, la figure d’Ursule, l’une des trois sœurs, occupe la feuille. Contrairement au grand dessin du musée hollandais, ici elle est de face, la tête droite et les yeux ouverts. Elle porte une longue robe blanche à deux bretelles, au-dessus d’un chemisier sombre. Tout est un mélange savant de bruns, de bleus clairs et de verts pâles. Le personnage, duquel on ne voit pas le bras droit car elle est appuyée sur le bord du dessin, ressemble à un fantôme par sa pâleur et l’ondulation de son corps.
La galerie ne manque pas de souligner l’intérêt de la dédicace : « Il s’agit sans doute de Charles-Henri Hirsch (1870-1948), poète et romancier, ami proche de Paul Fort et critique influent au Mercure de France à partir de 1891. Ce pastel s’inscrit ainsi dans le contexte bouillonnant des années clé du symbolisme, alors que la peinture, la littérature et le théâtre tentaient un renouveau des formes d’expression en même temps que l’exploration des mondes intérieurs ».
Ce dessin est estimé à 130 000 euros et proposé à la vente par la galerie Talabardon et Gautier
Contact tél. : 06 17 47 71 65
Un article de Guy Boyer
Directeur de la rédaction de Connaissance des Arts