GALERIE GRAND RUE - MARIE-LAURE RONDEAU
Suisse | Stand 12
Le Salon du dessin, grand rendez-vous des amateurs d’arts graphiques, ne pourra avoir lieu cette année. Mais, en attendant l’édition 2021, le marché du dessin poursuit son cours malgré la crise. La galerie Grand-Rue, à Genève, propose ce paysage dessiné à la plume et encre brune, aquarelle, gouache et crayon sur papier vélin. Ce dessin de John Ruskin est proposé autour de 20 000 euros.
Impossible de qualifier le Britannique John Ruskin (1819-1900) tellement il a de cordes à son arc. Il est connu pour ses écrits sur l’art en tant que critique et théoricien, supporter des artistes préraphaélites mais détracteur de Whistler, qui l’accuse en justice pour diffamation. Ruskin est également passionné par la géologie (il établit un dictionnaire de minéralogie dès l’âge de douze ans !), la géographie, l’économie et l’architecture (il écrit The Seven Lamps of Architecture en 1849 et The Stones of Venice en 1853).
John Ruskin, dessinateur avant tout
Mais avant tout Ruskin dessine. Il dessine depuis son plus jeune âge, quand il voyage avec son père et sa mère en Angleterre, puis sur le continent européen pendant l’été. Lors de ce Grand Tour familial, il est marqué par les Alpes, qu’il voit depuis Schaffhouse en Suisse en 1833. C’est pourquoi il demande en cadeau les quatre tomes des Voyages dans les Alpes d’Horace Bénédict de Saussure, publiés à la fin du XVIIIe siècle. Il y puise nombre d’informations, notamment géologiques. Le Nord de l’Italie est prétexte à visiter les musées mais à voir également la nature et le spectacle grandiose des montagnes. Il y est surpris par l’état de délabrement des monuments romans et gothiques, un constat qui l’amènera ensuite à protéger les cathédrales anglaises et les églises normandes et à demander qu’on les restaure le moins possible pour conserver leur intégrité.
Collectionneur de Turner
Il faut rappeler également que John Ruskin admire Turner et possède de nombreux tableaux de lui. Lorsque le peintre mourut, c’est d’ailleurs Ruskin qui fut son exécuteur testamentaire, s’occupa de son legs à la National Gallery de Londres et dessina les salles où allaient être exposées quatre cents aquarelles de Turner.
Dès 1843, Ruskin publie Modern Painters, cinq volumes qui s’échelonnent jusqu’en 1860. « Il y présente le concept de la véracité dans l’art du paysage, explique Marie-Laure Rondeau de la galerie Grand-Rue qui présente ce dessin de Macugnaga, un village du Val Anzasca. Il se détache ainsi du romantisme et du paysage idéal. Il prône l’observation de la nature avant toute autre chose, avec une approche parfois scientifique, influencée par ses lectures et son intérêt pour la géologie ». Ce dessin, comme ses textes, détaille les roches ainsi que les végétaux en s’appuyant sur ses observations in situ. Il est d’ailleurs bien précisé en bas à gauche de la feuille que le dessin a été réalisé le 9 août 1845, moins d’une semaine après son départ du lieu représenté, alors qu’il séjourne dans le Tessin.
Voyage en Italie
Ruskin est venu au pied du Mont Rose lors de son voyage en Italie (il a alors 26 ans et c’est son premier voyage à l’étranger sans ses parents). Il est à Florence, mais la chaleur accable la capitale toscane. Il se souvient alors qu’Horace Bénédict de Saussure conseillait, dans son Sixième Voyage, de monter se rafraîchir dans les Alpes piémontaises. Accompagné de Joseph Couttet, qui avait été son guide de montagne lors d’un précédent voyage avec son père, il y réside pendant une semaine, croquant tous les reliefs et les sites intéressants proches de l’imposante paroi est du Nordend et de la Cima di Jazzi. Le dessin représente l’église de Santa Maria Assunta du hameau de Staffa, avec son clocher qui perce derrière un rideau d’arbres. Un joli dégradé de clairs et de sombres permet de jouer sur la profondeur.
Marie-Hélène Giostra, qui a fait toutes les recherches pour la galerie Grand-Rue, précise que John Ruskin a effectué plusieurs dessins sur le même site puisqu’une autre feuille, datée du 4 août, dans la même technique et sur le même papier, est aujourd’hui conservée à l’Ashmolean Museum d’Oxford, une ville dans laquelle Ruskin a fondé en 1871 la Ruskin School of Drawing où les artistes pouvaient copier ses dessins. Cette feuille de la galerie Grand-Rue provient sans doute du même carnet que celui du dessin d’Oxford.
Ce dessin est estimé autour de 20 000 euros et proposé à la vente par la galerie Grand-Rue.
Contact : galerie@galerie-grand-rue.ch
www.galerie-grand-rue.ch
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Un article de Guy Boyer
Directeur de la rédaction de Connaissance des Arts