GALERIE MAURIZIO NOBILE
Italie | Stand 25
Le Salon du dessin, grand rendez-vous des amateurs d’arts graphiques, ne pourra avoir lieu cette année. Mais, en attendant l’édition 2021, le marché du dessin poursuit son cours malgré la crise. La galerie Maurizio Nobile, à Bologne et Paris, propose cette plume, encre noire, lavis et sanguine sur papier du Guerchin.
2020 est l’année anniversaire de la peste de Marseille de 1720 qui ravagea le Midi de la France mais, quatre-vingt-dix ans auparavant, en 1630, une autre épidémie s’inscrivit dans les annales, celle de la Grande Peste qui toucha principalement l’Italie du Nord, du grand-duché de Toscane jusqu’aux Alpes. Pour se prémunir contre la maladie, plusieurs saints sont alors invoqués. Du franciscain Saint Jean Discalceat à Saint Antoine le Grand, nombreuses sont les figures devant lesquelles la population est invitée à prier. Avec ses flèches plantées dans tout le corps, Saint Sébastien est le plus facile à reconnaître. Ce militaire de carrière, né en Gaule romaine au IIIe siècle, fut persécuté sur ordre de l’empereur Dioclétien pour avoir soutenu les premiers chrétiens. Il fut d’abord attaché à un poteau au Champ de Mars et transpercé de flèches, puis flagellé et son cadavre jeté aux égouts pour empêcher les fidèles de le vénérer. À cause de son martyre et de sa silhouette « couverte de pointes comme un hérisson », il est devenu le patron des archers et des policiers.
Une symbolique qui remonte à l’Antiquité
La symbolique de la « sagittation » (le fait d’être frappé par des flèches) associée à la peste remonte en fait à l’Antiquité puisqu’Apollon, le dieu archer, envoie cette maladie aux Achéens en tirant ses flèches de son arc d’argent. C’est Jacques de Voragine, dans sa Légende dorée, qui explique le mieux l’idée que Saint Sébastien peut intercéder auprès des malades de la peste car deux miracles eurent lieu au VIIe siècle à Rome et Pavie et les reliques du saint furent alors transportées dans la Ville éternelle.
De Benozzo Gozzoli au Pérugin, tous les artistes représentent Saint Sébastien pour évoquer la peste à la demande des commanditaires des tableaux. D’un homme âgé et barbu, on passe à partir du XVe siècle à un adolescent au corps ferme, mais parfois presque féminin.
Un autre saint antipesteux
Dans le dessin de la galerie Nobile, aux côtés de Saint Sébastien, nu et percé de deux flèches, apparaît Saint Roch, que l’on identifie traditionnellement par sa tenue de pèlerin de Compostelle avec son bourdon et la coquille de Saint Jacques brodée sur sa cape. Ce Montpellierain du XIVe siècle, ayant étudié la médecine, se porta au secours des malades lors de la peste de 1358, s’occupa de l’hôpital du Saint Esprit à Rome et reçut l’indulgence plénière du pape Urbain V. En haut de la composition dessinée figure encore un personnage ailé qui pourrait être l’archange Saint Michel, le chef de la milice céleste des anges du Bien, reconnaissable à ses ailes et à l’épée, qu’il range dans son fourreau.
Ce dessin est dû au Gerchin, de son vrai nom Giovanni Francesco Barbieri (1591-1666). Formé dans le cercle des Carrache à Bologne, il travaille particulièrement les effets lumineux comme son contemporain Caravage, les compositions dynamiques comme Rubens, dont il voit l’œuvre à Mantoue, et le jeu des couleurs chaudes qu’il a découvertes lors de son séjour à Venise en 1618. Peu à peu, son art tourne du côté d’un certain classicisme baroque, proche de Guido Reni, et il semble doué d’une grande aisance à lier les personnages dans ses tableaux. Ce dessin, associant encre, lavis, plume et sanguine, est sans doute une des premières idées du Guerchin pour le grand retable destiné à l’oratoire de l’église de Nonantola à Modène. Le commanditaire a été identifié. Il s’agit du comte Antonio Mario Sertorio, sans doute désireux de remercier les cieux de leur protection pendant la peste de 1630.
Ce retable a été mentionné par Guerchin dans son livre de comptes de 1632 et il est aujourd’hui conservé dans les collections de la famille Bachetoni Rossi Vaccari à Spolète, précise la galerie Nobile. Quant au dessin, il est passé entre les mains du père Sebastiano Resta au début du XVIIIe siècle, puis dans les collections de Lord John Somers et de Lord Brownlow, avant de terminer dans le fonds de Jacques Petithory, un marchand et collectionneur français, riche donateur du musée Bonnat de Bayonne. Cette provenance est gage de qualité. « C’est la première fois, précise Maurizio Nobile, qu’on peut voir cette feuille en vrai car elle n’est connue qu’au travers de sa reproduction. Vu la période que nous traversons, ce projet d’ex-voto commandé à cause de la peste prend aujourd’hui un sens particulier ».
Ce dessin est proposé à la vente par la galerie Nobile.
Prix sur demande à paris@maurizionobile.com
www.maurizionobile.com
paris@maurizionobile.com
Un article de Guy Boyer
Directeur de la rédaction de Connaissance des Arts