GALERIE TERRADES
France | Stand 17
Le Salon du dessin, grand rendez-vous des amateurs d’arts graphiques, ne pourra avoir lieu cette année. Mais, en attendant l’édition 2021, le marché du dessin poursuit son cours malgré la crise. La galerie Terrades, à Paris, présente Gisant, un fusain de 1967 de Sam Szafran, un artiste français récemment disparu. Son prix annoncé est de 25 000 euros.
La mort de Sam Szafran (1934-2019) a laissé son public orphelin. Mal aimé des musées d’art contemporain lui préférant les vidéastes et « installationnistes », cet artiste français s’est imposé dans les années 1980-2000 comme la figure de proue des créateurs négligés par les institutions françaises. Il a été défendu vaillamment aussi bien par Léonard Gianadda (qui lui a organisé une superbe rétrospective à Martigny en 1999, reprise ensuite au musée de la Vie romantique en 2000) que par Marc Fumaroli, professeur au collège de France à la chaire de rhétorique et membre de l’Académie française (qui a mis en avant à la mairie du Ve arrondissement à Paris en 2017 les peintres figuratifs de ces dernières années, dont Sam Szafran). La carrière de celui-ci est une histoire d’amitiés. Avec son marchand Claude Bernard aussi bien qu’avec certains conservateurs comme Jean Clair et Daniel Marchesseau qui l’ont accompagné toute sa vie durant.
De Paris à Malakoff
Mais revenons en arrière. Après une enfance difficile marquée par la mort de son père et des séjours en Espagne, en Suisse et en Australie, le jeune Samuel Berger rentre en France en 1951 et s’inscrit aux cours de la Ville de Paris. Son professeur à l’Académie de la Grande Chaumière, Henri Goetz, lui fait prendre naturellement le virage vers l’Abstraction lyrique. Mais ce n’est pas la voie qu’il va choisir. Il abandonne la peinture pour le dessin au fusain et l’abstraction pour la figuration. Il entre en 1964 à la galerie Claude Bernard et obtient, l’année suivante, sa première exposition personnelle chez le marchand Jacques Kerchache. C’est l’époque où il se passionne pour le pastel et se lance dans les séries des Ateliers (1969), des Imprimeries (1972) et des Escaliers (1974). Puis il combine pastel et aquarelle pour ses Serres et Ateliers, où les tuyaux d’un vieux poêle et de gigantesques philodendrons et caoutchoucs envahissent les espaces de Malakoff, où il s’est installé en 1974 dans une ancienne fonderie qu’il ne quittera plus jamais.
Flottant sur le blanc du papier
Le dessin de la galerie Terrades remonte au milieu des années 1960. « En 1967, rappellent Gabriel Terrades et Antoine Cahen, au sortir d’une grave dépression qui l’empêche de travailler pendant un an, Szafran recommence à dessiner des fusains sur de grandes feuilles de papier : son atelier avec une accumulation de cadres, chevalets et plantes vertes, des portraits (Martin Dieterle, sa femme Lilette) et d’étranges gisants nus, allongés à contre-jour sous une architecture de poutres. Le lieu est la mezzanine de l’atelier de la rue Castagnary, près des abattoirs de Vaugirard, un box-garage coupé d’une mezzanine à laquelle on accédait par une échelle de meunier. L’homme est Antoine Mosin, un acteur très proche de Szafran à cette époque ». D’où le grand espace vide de la feuille, où seuls sont suggérés les longues lignes d’un sofa jeté dans un angle, représenté en perspective avec l’homme allongé.
Il faut absolument donner la parole à Jean Clair, qui a toujours défendu Sam Szafran d’un regard aigu et par des mots choisis : « Flottant sur le blanc du papier, comme des corps rejetés sur le sable, les Gisants ne sont supportés que par un fin échafaud de traits entrecroisés. Une rambarde les protège du vide ». Vide de la feuille, vide de la pièce transformée en atelier, vide de la vie ? Cette composition a été reprise par l’artiste pour un autre dessin conservé aujourd’hui au Musée national d’Art moderne. Jean Clair, qui doit être pour quelque chose dans la présence de cette œuvre dans les collections du Centre Pompidou dont il a été conservateur du musée sous le nom de Gérard Regnier, explique ce travail de recherche de la ligne : « L’œuvre singulière de Szafran ne se répète pas. Elle reprend, elle insiste, elle revient, elle cherche, dans une durée concrète et toujours changeante, vivante et menacée, à saisir ce peu de temps à l’état pur, qui lui assurera une survie ».
Ce dessin est estimé 25 000 euros et proposé à la vente par la galerie Terrades.
Contact : contact@galerieterrades.com
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Un article de Guy Boyer
Directeur de la rédaction de Connaissance des Arts